Le Musée National de la Photographie de Québec est le seul musée, avec le San Damon Museum, à détenir l’entièreté des onze œuvres de San Damon tirées de l’entité S.O.I (Sophisme Oniroscopiste Introspectif) qui ont notamment fait l’objet de deux films documentaires où huit intellectuels et universitaires les analysent. Il s’agit d’une entité conceptuelle partant des quatre saisons oniroscospites, celles que l’on reconnaît encore, pour rejoindre petit à petit l’abstraction Elles sont dénommées comme ceci :
Le Musée de la Littérature de Belgique est en possession de six oeuvres de San Damon. Trois sur le thème de Bruxelles, trois sur le thème de New York. Voici ce qu'a écrit Marc Quaghebeur, le Directeur du Musée, en 2014, lors de son acquisition.
" Photographe à la démarche chaloupée et au regard-éclair, San Damon fait redécouvrir le monde urbain par un jeu de basculement des espaces et de métamorphose des couleurs.
Ainsi laisse-t-il rentrer le temps dans ses images tout en donnant l'impression de rapidité.
Le terme générique d'Oniroscopismes convient parfaitement à son travail.
Celui-ci use tout autant de la surexposition que du flou et d'une palette incandescente.
Deux triptyques, consacrés l'un à Bruxelles et l'autre, à New York viennent d'enrichir les collections des Archives & Musée de la littérature.
Manhattan y voisine avec les jardins du Petit Sablon, comme les badauds statiques de la fontaine de Central Park avec les voitures zébrantes d'un célèbre boulevard bruxellois."
Les personnages prennent un aspect de bronze, la végétation est onirique, les objets prennent une symbolique inattendue. On ressent l'impression de flotter dans une autre dimension, la trois, la quatre, la huit, on ne sait plus trop, une euphorie se joint au trouble.
Le procédé argentique qu'utilise San Damon permet les profondeurs
de champ et les agrandissements hors norme, ainsi que les bains que l'artiste, au gré de son inspiration, surexpose ou sous-expose. Cette crucifixion est dénommée " Quand Jésus devint le Christ
"
Il est là, c'est notre époque, et l'artiste ne lésine pas sur l'allégorie, puissante.
L'oeuvre représente Jésus entourée d'une végétation transposée, comme une sorte
de jardin d'Eden, l'expression du visage et le regard du Christ sont déterminés mais doux à la fois. On a envie de le suivre, on comprend le pardon et ce sur quoi est bâti le
catholicisme.
Elle est l'une des rares Crucifixions à être représentées à l'horizontale, présentée ici in situ, ce qui lui donne un impact phénoménal, une spiritualité inouïe et une proximité quasi intime,
ainsi que pour sa mise en scène qui doit tout au traitement que l'artiste instaure.
Symbolisme et interprétation de la Cène en 13 actes.
L'abbaye expose en permanence et détient comme bien patrimonial " La Cène en 13 actes " de San Damon. La particularité de cette œuvre et la seule au monde, certifiée par le Vatican, à comprendre 13 tableaux-photographiques de chacun de des apôtres et ce avec leurs points de vue. Le symbolisme et l'interprétation de la tragédie se joue là, tant sur la forme que sur le fond.
La Cène, le dernier repas du Christ est abordé ici de manière inattendue, en effet, si ce tableau, ou sa représentation, a souvent été traité et bien avant De Vinci, il ne l’a jamais été en prenant comme axes de point de vue ceux des apôtres et l’évolution presque en temps réel de leurs réactions, une conscience et une intuition de chacune des personnes prises au vif. Cette traduction historique de cet acte primordial dans l’histoire de l’humanité réunit ici, sans nul doute parce que les personnages sont de notre époque, une symbolique toute particulière. Le temps n’est plus en suspens comme il l’est dans les autres œuvres traitant de ce sujet, mais au contraire il s’écoule au fur et à mesure que l’on l’observe.
Les deux doubles triptyques qui accompagnent la Cène centrale permettent de rentrer de plain-pied dans l’instant, dans les minutes qui s’écoulent après que Jésus a dit à ses disciples conviés ces mots : « En vérité je vous le dis, l’un de vous me trahira ». Écoutez la 9e (mouvement scherzo) de Beethoven et fixez la Cène de San Damon,vous y verrez le foisonnement des arbres, le frémissement des feuilles, les personnages de bronze débordés par leurs instincts et cette table de convives mise et ornée de victuailles chanceler sous le drame qui s’ourdit.Et pourtant une sorte de plaisir qui va au-delà nous emporte, celui d’en découvrir les secrets, la réjouissance d’en savoir davantage. Tous d’abord prenons le cadrage du décor de la Cène, tableau central. Elle semble hors du temps, son espace et son lieu n’en déterminent rien. Certes, il y a l’indication de l’habillement des personnages, mais il ne saute pas aux yeux directement car on est absorbé par autre chose…l’abondance de la végétation, dense et épaisse. Mais notre attention est aussi retenue par une serre légèrement montante en arrière-plan des personnages, elle structure ce qui va se jouer sous nos yeux. Au premier plan, une très longue table à la nappe tombante vient presque de ses plis heurter l’herbe.
Le Christ reste calme comme s’il attendait, ou plus encore, observait la réaction de ses disciples. Le décor est exubérant, la flore inonde de partout et pourtant les personnages sont là, charismatiques; dans la tragédie, il y a d’abord l’humain et ses multiples faiblesses. Le recul vis-à-vis de l’œuvre dans son ensemble est désormais indispensable, prendre le temps de tout estimer. Ensuite, il est bon de s’approcher du premier acte du double triptyque.
Acte I : On a le point de vue de Barthélémy,devrais-je dire, on est Barthélémy, l’apôtre debout à l’extrême gauche de la table. Il est la raison, celui qui veut savoir qui est le traître, l’axe prend l’ensemble de la tablée et les premiers sentiments se font sentir. Le second est celui de la crainte, Jacques le mineur connaît le contexte de l’autorité et appréhende la réaction de celle-ci, on aperçoit déjà un changement qui traverse les visages. André se présente comme étant l’innocence, il veut immédiatement faire savoir qu’il n’y est pour rien, ses mains en évidence, il marque ce fait, les regards se croisent et se questionnent. Vient Judas,il dissimule une bourse, que San Damon dans son œuvre montre peu, il faut chercher entre les personnages, entre les objets étalés sur la table.
Judas arbore un visage que la liturgie connaît bien, son léger sourire en dit long sur ces heures qui ont précédé ce dernier souper, il semble être le seul à ne pas vraiment s’indigner, à ce moment précis on ressent explicitement qu’il ne sait pas qu’il se suicidera le lendemain.
Et puis il y a Pierre, Pierre qui en messe basse tient, à l’oreille de Jean, à donner son avis, sans qu’il ne soit trop entendu, ou peut-être à réconforter. Il est la prudence. Arrive Jean ou Marie-Madeleine,obscure ici aussi. Quoi qu’il en soit, le personnage semble triste, résigné, écoutant les paroles de Pierre. On est au centre de la table, la puissance du Christ est incontestable, la majesté est en lui, il attend son sort, serein, sachant que ce qu’il va apporter à ceux qui croient en lui les mettra hors de portée de toutes tragédies, il va pour eux subir le pire. Son visage est de nacre, déterminé, prêt à braver les offenses.
À cet instant San Damon fait entrer en scène un treizième personnage, Mathias, qui après que Judas se sera pendu le lendemain de ce repas, le remplace, et surtout sera le seul apôtre à assister à la crucifixion de Jésus de Nazareth. Mathias se penche à l’oreille du Christ, on peut penser qu’il l’assure de son soutien, qu’il cherche, si le doute demeure encore, à savoir qui est le traître. Et pour cause, c’est à partir de ce septième tableau que les autres axes sont pris depuis son point de vue, plus intimistes, proches de la confidence. Les émotions évoluent et le trouble s’installe sur les visages au fur et à mesure que l’on avance entre les disciples. Mathias se tourne d’abord sur sa droite, les regards ont encore changé, trois visages sont en gros plan. Thomas l’incrédule, qui s’avance, l’index accusateur contre un tel propos, il est celui qui met en doute, qui demande des preuves de ce qu’il vient d’entendre. Jacques le majeur, assis juste à côté de Jésus, semble vouloir le retenir. Il est celui qui croit cela possible, il veut qu’on laisse parler le Christ, il veut en savoir davantage.
Debout derrière eux, Philippe, qui refuse que l’on puisse penser qu’il est le traître. Matthias se tourne sur sa droite et regarde comme en plan rapproché les visages des six premiers apôtres. Certains d’entre eux sont déjà flous, comme exclus du débat. Peut-être la conséquence implicite que le félon y soit. Ensuite et jusqu’aux derniers des tableaux, Mathias s’immisce entre les disciples, les axes peu communs sont davantage sujets à mieux saisir les sentiments de chacun d’entre eux. Mathieu, qui clame : « Entendez-vous cela ? », révolté qu’un traître soit parmi eux. Simon : « Je ne comprends pas qu’une telle chose soit envisageable ». Thaddée discute, semble prendre conseil auprès de Simon. Le déséquilibre conscient nous fait mettre en raison les différents caractères des témoins de ce dernier repas. Et il est indiscutable que sont ici représentés les différents aspects et contradictions de l’être humain.